Lors de mon récent séjour à New York j’ai eu l’occasion de visiter les installations de Farm.One, la plus grande ferme hydroponique de Manhattan. Située rue Worth Street, dans le quartier de Tribeca, cette startup a été créée en avril 2016 par Robert Laing, un entrepreneur australien de trente-huit ans. La société a commencé son activité au sein du Institute of Culinary Education mais celle-ci a grandi et est désormais hébergée dans les locaux d’un restaurant étoilé de la ville.
Farm.One s’est spécialisée dans les herbes aromatiques et les fleurs comestibles. C’est après avoir visité des marchés de producteurs à travers le monde et découvert de nombreuses herbes rares, dont il n’avait jamais entendu parler, que Robert Laing a cherché le moyen de proposer des herbes et plantes rares aux chefs qui rencontrent souvent un problème de sourcing/approvisionnement sur ce type de produit. C’est suite à cette réflexion qu’a germé l’idée de lancer Farm.One et son positionnement particulier sur des variétés d’herbes, de micro-pousses et de plantes aromatiques anciennes ou rares, dont certaines sont utilisées dans la cuisine sud-américaine ou asiatique.
L’intérêt des chefs pour Farm.One est fort. En effet, ces herbes et plantes rares permettent d’apporter un relief supplémentaire à un plat car, au-delà de leurs vertus décoratives, elles amènent surtout un saveur ou une texture complétement nouvelle. Et comme dans le milieu de la haute gastronomie la différence se joue sur les détails, les chefs sont friands de ces produits et sont prêts à mettre le prix pour apporter cette touche supplémentaire qui sublimera leurs plats et leur permettra au mieux d’exprimer leur sensibilité culinaire. Certains bars new-yorkais ont également été séduits par les produits proposés par Farm.One, qui leur permettent d’apporter une touche de nouveautés à certains de leurs cocktails, dans cette tendance croissante de l’art de la mixologie.
Dans ses locaux, la startup peut faire pousser environ 580 variétés différentes (dont environ 200 peuvent être cultivées en même temps). On peut notamment y trouver 23 sortes de basilic différentes, de l’oxalis, des brèdes mafane, de la bourrache, de la ciboule rouge, des pousses de pois, de l’herbe à poivre … (pour voir toutes les variétés proposées, allez jeter un coup d’oeil à leur boutique en ligne). Celles-ci sont cultivées en hydroponie dans des bacs posés sur des étagères et éclairés avec des lumières LED, qui représentent une surface cumulée d’environ 1200 pieds carrés (soit environ 110 mètres carrés).
Lorsqu’elles sont arrivées à maturité, les plantes, herbes et fleurs comestibles sont ensuite vendues à plusieurs restaurants (de Turtle dans le Lower East Side à Daniel dans Uptown ou encore Atera qui les héberge) et des épiceries haut de gamme de la ville (Eataly notamment). Les chefs de ces restaurants sont prêts à mettre le prix qu’il faut afin de s’approvisionner auprès de Farm.One qui proposent des produits qui sont d’une part difficiles à trouver ailleurs, mais surtout qui sont récoltées et livrés le jour même. En effet, de par sa localisation au cœur de Manhattan, une fois que les produits sont emballés ils sont livrés à vélo ou en métro, aux différents restaurants de la ville.
En plus de fournir de nombreux restaurants, Farm.One ouvre ses portes au grand public afin de faire connaître tant leur méthode de production que leur démarche. Avant d’entrer dans la pièce, il faut enfiler une combinaison, mettre un filet sur les cheveux et des sur-chaussures afin de respecter les normes d’hygiène. En effet, l’espace est hermétiquement clos pour que les insectes n’y pénètrent pas. Ce qui frappe en entrant c’est la taille de la pièce. Alors que les photos laissent à croire que la ferme urbaine est assez grande, la pièce dans laquelle Farm.One produit toutes ces herbes est finalement assez petite (environ 30 mètres carrés). Farm.One travaille en biocontrôle, grâce notamment aux solutions développées par Bioline, filiale du groupe coopératif français InVivo. On y croise donc quelques coccinelles qui se baladent sur les différentes plantes.
J’ai trouvé que Farm.One se démarque vraiment des autres fermes urbaines car elle s’est spécialisée sur une niche intéressante et bien valorisée. Là où d’autres fermes vont cultiver des poivrons ou des salades qui seront vendues à des particuliers avec une valeur ajoutée parfois trop faible. Le parti pris de Farm.One de se concentrer sur des herbes et plantes comestibles rares à destination des professionnels de la gastronomie, qui sont prêts à mettre le prix pour obtenir une exclusivité sur certains produits, me semble beaucoup plus viable à long terme.
D’ailleurs après New-York, Farm.One cherche à s’étendre à de nouvelles villes, que ce soit aux Etats-Unis, en Asie, et pourquoi pas à Paris.
Farm.One ouvre ses portes au public avec une visite guidée qui a lieu en fin d’après-midi moyennant 50$. Il s’agit d’un tour d’une heure qui comprend la visite des installations, une dégustation de certaines herbes et fleurs, un verre de prosecco et une boite avec quelques sachets des produits récoltés le jour même. La réservation se fait en ligne à cette adresse : https://farm.one/tours/.