Les enseignes bio, à l’avant-garde sur le vrac, pourraient bientôt se faire distancer par la grande distribution. Cette dernière investit de plus en plus dans ce marché, qui pèse désormais 1,2 milliard d’euros. Elle mise notamment sur l’innovation et un parcours client sans embûche pour répondre à une demande de fond des consommateurs dans la réduction des emballages.
Il ne représente aujourd’hui que 0,5 % du marché de l’alimentation mais le vrac ne cesse de se démocratiser. Selon une étude du cabinet Kantar publié en avril, près de la moitié des foyers français ont acheté en vrac au cours des douze derniers mois. Surtout, ce marché aurait atteint 1,2 milliard d’euros en 2019, selon Réseau Vrac. “La tendance de l’achat en vrac s’inscrit dans un mouvement de fond de consommation plus responsable. Nul doute que le potentiel est considérable”, note Catherine Urvoy, experte consommateurs chez Nielsen.
Et la grande distribution ne veut pas passer à côté de cette manne. “Elle n’a plus le choix, elle doit s’y mettre si elle veut répondre aux attentes des consommateurs”, croit Célia Rennesson, directrice de Réseau Vrac. L’institut d’analyse Nielsen a d’ailleurs évalué que 52 % des consommateurs de produits vracs achetaient le plus souvent dans des magasins spécialisés bio, comme La Vie Claire, Biocoop, Naturalia, juste devant les hypermarchés qui captent 49 % de la clientèle.
Le vrac n’est pas dans l’ADN de la grande distribution
“Il y a un enjeu écologique, certes, mais aussi économique”, estime Mathieu Riché, directeur RSE du groupe Casino. “Le vrac permet d’acheter la quantité exacte dont on a besoin. Cela a pour conséquence une réduction du gaspillage alimentaire et une meilleure gestion de son budget”, assure-t-il. Reste à la grande distribution de trouver les bonnes méthodes pour développer le vrac dans ses rayons car ce n’est pas son ADN, contrairement aux enseignes historiques du bio.
“Avec le vrac, on peut rencontrer quelques difficultés. Il faut par exemple créer des espaces dédiées, cela nécessite des investissements. Il y a aussi la question très importante de l’hygiène et du nettoyage des bacs qu’il ne faut pas sous-estimer”, avance Benoit Soury, directeur du Bio chez Carrefour. Le groupe vend désormais du vrac dans 85 % de ces points de vente, que ce soit des hypermarchés, des supermarchés ou des petites surfaces.
La grande distribution mise sur l’innovation
Mais c’est sur les innovations que la grande distribution compte miser. “Ce qui est nécessaire, c’est l’émergence de nouveaux acteurs qui proposent des concepts de vrac avec une expérience fluide et compréhensible”,explique Mathieu Riché. “Au XXe siècle, il y avait une volonté de consommer de manière facile, pratique, simple. Aujourd’hui, il y a une volonté de mieux consommer tout en essayant de ne pas retourner vers des contraintes de temps”, ajoute-t-il. Fini donc l’image poussiéreuse du vrac. Aujourd’hui, il se veut moderne grâce à des entreprises innovantes dans le domaine.
Jean Bouteille par exemple, s’est spécialisée dans le vrac liquide. L’entreprise propose des tireuses de vin, huile, lessive ou savon. Dans son magasin pilote à Paris, Franprix s’est par exemple associé à SolZero, une startup spécialiste de la réutilisation de contenants alimentaires ou encore bulk&Co et Qualivrac, des spécialistes du vrac.
Reste à la grande distribution de ne pas reproduire les erreurs qu’elle a commises sur le bio. Elle occupe désormais une place considérable dans le marché du bio mais est accusée de faire pression sur les prix et de ne pas respecter “l’esprit du bio”. Or, si “esprit du vrac” il existe dans l’imaginaire des consomm’acteurs, il comprend l’origine du produit et sa qualité. “Je pense qu’il y aura une segmentation comme dans le bio avec d’un côté le vrac des enseignes discount et de l’autre celui des enseignes spécialisées, plutôt de qualité et locale”, prévient Olivier Frey, consultant et spécialiste du secteur de l’alimentation.
Marina Fabre, @fabre_marina