L’appli star Yuka, qui note les aliments en fonction de leurs qualités nutritionnelles, revendique désormais 7,5 millions d’utilisateurs. Une influence grandissante qui a poussé le secteur agroalimentaire à changer la composition de certains produits. Mais son système de notation est critiqué par des industriels qui passent à l’offensive.
Scanner les produits alimentaires avec son téléphone, un geste devenu courant dans les allées des supermarchés. Désireux de transparence, les citoyens se sont tournés vers des applications leur permettant de connaître la composition des produits qu’ils consomment de façon ludique, sans connaissances poussées de diététique. L’appli star est Yuka. Elle comptabilise plus de 7,5 millions d’inscrits dont 3,5 millions d’utilisateurs actifs par mois, une vraie révolution dans les modes de consommation.
“La qualité de l’information n’est pas toujours bonne”
Mais l’influence grandissante de Yuka pose question. “Ce qui me gêne, c’est que ce sont trois jeunes et leur appli qui vont désormais faire le succès ou la perte de tel ou tel produit. D’autant que le système de notation me semble discutable”, prévient Olivier Frey, consultant et spécialiste du secteur alimentaire. Et il n’est pas le seul à tenir ces positions.
“Notre attitude est bienveillante envers Yuka car elle répond à une attente des consommateurs”, explique un distributeur. “Mais la qualité des informations n’est pas toujours bonne. C’est un peu comme Wikipédia face à l’Encyclopédie Universalis, il est nécessaire mais il peut comporter des erreurs et être orienté”. Une autre enseigne critique le “simplisme” de Yuka. “Le fromage va être classé en mauvais alors qu’il faut juste en manger de manière équilibré”, déplore-t-elle.
Yuka, qui ne travaille avec aucune marque ni aucun fabricant, note les produits de 1 à 100 en fonction de la qualité nutritionnelle (60 %), de la présence d’additifs (30 %) et de la dimension biologique (10 %). Cela permet à l’application d’indiquer si l’article est excellent, bon, médiocre ou mauvais.
Des applis venues des distributeurs
C’est justement sur les additifs que les critiques se focalisent car certains d’entre eux classés comme “nocifs”, “à éviter” ou “douteux” sont autorisés par l’Union européenne.”Nous appliquons le principe de précaution avant tout”, se défend un porte-parole de Yuka. “Malheureusement, ce n’est pas parce qu’un ingrédient n’est pas interdit qu’il ne présente pas de risque pour la santé”.
Face à cette nouvelle donne, plusieurs industriels et distributeurs bannissent des produits controversés de leurs rayons. Système U a décidé de lancer sa propre application, baptisée “Y’a quoi dedans”. “On ne donne pas d’indications aussi péremptoires que Yuka, il n’y a pas de feux vert, orange ou rouge. On indique aux consommateurs les ingrédients sujets à polémique, l’huile de palme par exemple pour le Nutella et on note que la consommation de ce produit, en excès, peut poser problème”, explique un porte-parole du distributeur.
Num-Alim, une base de données géante
La contre-attaque la plus frontale vient des industriels. L’ANIA, la Fédération nationale des industriels de l’alimentaire, veut reprendre la main sur ses produits. Elle a annoncé le 23 novembre travailler depuis quatre ans sur une énorme base de données baptisée Num-Alim. Cette “encyclopédie” permettra de connaître les conditions de production, la traçabilité, l’impact sanitaire et nutritionnelle… En bref, toute la “carte d’identité d’un produit”.
Conscients que les consommateurs sont à la recherche d’une appli simple et ludique, les industriels pourraient mettre à disposition leurs données à des startups et grands groupes du numérique qui s’occuperont de les décliner en appli grand public, une façon de proposer une réelle alternative à Yuka.
Marina Fabre @fabre_marina
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