Agrodistribution, 01/07/2022
« Les coopératives en France pourraient s’inspirer du modèle de valorisation du capital de certaines coops européennes »
Après une première étude éditée en 2020 sur les coopératives agricoles européennes, Olivier Frey, consultant-formateur, vient d’en publier une nouvelle, qui s’appuie sur les chiffres 2020. Cette cartographie des 100 plus grandes coops agricoles européennes a été réalisée à partir, entre autres, des rapports annuels financiers et extra-financiers et d’articles. En voici quelques éléments pour mieux appréhender les spécificités du modèle coopératif français en regard de nos voisins.
Comment se situe le secteur coopératif agricole français en regard du reste de l’Europe ?
En France, le secteur coopératif agricole est souvent critiqué pour la taille de certaines de ses entreprises, traitées de mastodontes. Or, si les coopératives françaises représentent en nombre un petit tiers (31 %) du top 100 des coopératives agricoles en Europe, leur chiffre d’affaires cumulé de 61 milliards d’euros représente un peu plus du quart de ce top. Alors qu’en Allemagne, leurs 15 coopératives font à elles seules 21,8 % du CA total du top 100.
En outre, avec 1,967 milliard d’euros, le CA moyen des coopératives agricoles françaises de ce top est inférieur à la moyenne du top 100, à 2,384 milliards d’euros. Nous sommes loin du CA moyen du Danemark, à 5,219 Mds€ !
Les grandes coopératives françaises peuvent aussi se voir reprocher leur internationalisation. Or, la part moyenne du CA effectuée hors de l’Hexagone est relativement faible, autour de 23 % en 2020. À l’inverse, les coopératives du nord de l’Europe, situées dans des petits pays, sont les plus internationalisées. Quelques exemples : 95 % du chiffre d’affaires est réalisé hors du pays pour Lakeland Dairies en Irlande, 90 % pour Danish Crown au Danemark et 78 % pour Friesland Campina au Pays-Bas. En France, trois coopératives, Limagrain, Tereos et Vivescia, réalisent plus de la moitié de leur CA à l’international.
D’autre part, une coopérative danoise peut avoir des agriculteurs adhérents dans différents pays. En France, le territoire d’une coop est limité. D’ailleurs, la législation française sur les coopératives est de loin la plus fournie.
Sur les politiques de développement durable, quelles sont les postures observées ?
L’absence d’un cadre homogène sur ce sujet rend parfois la comparaison difficile. Et certaines coopératives ne communiquent pas toutes sur ce volet. En revanche, d’autres vont mettre en avant leur alignement sur les ODD de l’Onu, en mentionnant le plus souvent les objectifs 8, 12 et 13. Ce qui est plutôt rare en France. Les autres coopératives européennes prennent vraiment les devants en réalisant de nombreuses études d’impact autour desquelles elles communiquent et ont des objectifs ambitieux. Celles du Nord parlent aussi de leur engagement dans les énergies renouvelables. Dans le contexte actuel, il serait d’ailleurs intéressant d’analyser le potentiel des coops européennes pour l’indépendance énergétique de l’UE.
Quelles pratiques pourraient être inspirantes pour la France ?
La question du renouvellement des générations se pose notamment en France. Comment intéresser alors les jeunes à la coopérative ? En donnant par exemple plus de valeur au capital investi. Car quand un agriculteur français met 100 au début de son adhésion, à la sortie, il va récupérer 100. Alors qu’entre-temps, l’entreprise a sûrement pris de la valeur. Certaines coops européennes procèdent à une valorisation du capital investi avec des parts B, voire C. On pourrait reprendre cette idée en France et motiver ainsi les adhérents à participer à la prise de valeur de leur coopérative.
Hélène Laurandel