Les coopératives agricoles en quête de taille critique
Le projet de fusion entre Agrial et Natura’Pro illustre le besoin de grossir dans certains métiers ou dans certaines régions.
Détroyat, Olivia
AGROALIMENTAIRE Nouvelle alliance en vue dans les coopératives agricoles françaises. Ce lundi, le géant normand Agrial (6,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires), connu pour ses marques Florette, Soignon ou Loïc Raison, et la coopérative rhodanienne Natura’Pro (84 millions d’euros) ont annoncé leur projet de rapprochement. Encore au stade « d’échanges » , selon un porte-parole d’Agrial, le projet pourrait voir le rhodanien être absorbé par le normand.
Entamé il y a plus de dix ans, le mouvement de consolidation a déjà fait fondre de 25 % le nombre de coopératives agricoles françaises. Mais alors que les précédents rapprochements ont concerné des groupements de tailles équivalentes (InVivo et Soufflet) ou spécialisés dans des métiers similaires (Nicolas Feuillatte et la CRVC), cette dernière opération obéit à des logiques un peu différentes.
Présente dans la production et la transformation de lait, de légumes, de viande, de céréales, ainsi que dans les boissons, Agrial et ses 12 000 adhérents est la deuxième plus grosse coopérative de France. De son côté, Natura’Pro compte 5 500 agriculteurs, et est présente dans le matériel agricole, l’eau et l’irrigation. Mais aussi et surtout dans la jardinerie, avec 25 magasins franchisés GammVert, qui pèsent pour plus de la moitié de son chiffre d’affaires.
Pour Agrial, l’aboutissement de l’opération, qu’il espère effective pour 2023, consoliderait ses positions dans la vallée du Rhône. C’est une région dans laquelle le groupe est déjà présent depuis la fusion en 2015 avec la laitière Eurial, qui elle-même avait déjà fusionné en 2014 avec la rhodanienne Valcrest. En absorbant Natura’Pro, Agrial se renforcerait aussi dans la distribution non alimentaire, lui qui possède déjà 136 magasins LaMaison.fr. Cette soif d’acquisitions de la part d’un des poids lourds de la coopération agricole pourrait se poursuivre, Agrial ayant déjà expliqué ne pas avoir atteint la taille critique dans certains de ses métiers, comme le lait.
Recherche de synergies
Globalement, les coopératives françaises – 40 % de l’agroalimentaire français et 86 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2021 – sont en retard dans la course à la taille par rapport à leurs homologues de certains pays européens (BayWa en Allemagne, FrieslandCampina aux Pays-Bas, Arla Foods au Danemark…). Elles veulent donc grossir, afin de davantage peser sur la scène internationale. Une stratégie d’autant plus pertinente que la crise actuelle montre l’importance de rechercher des synergies en matière de logistique ou d’approvisionnement en intrants (engrais…) et en matières premières agricoles. Il s’agit d’alimenter mieux et à meilleur prix les usines des coopératives, qui fabriquent des marques aussi connues que Beghin Say, Soignon, Danao, Candia ou Saveol.
«Après les mouvements massifs de ces dernières années, les grands pôles sont désormais consolidés en France,tempère Olivier Frey, consultant spécialisé dans les coopératives agricoles. Il reste peut-être le scénario récurrent d’une fusion entre Maïsadour (Delpeyrat, Comtesse du Barry…) et Euralis (Montfort, Rougié, Point Vert…). D’autant que celles-ci sont déjà engagées dans un projet de rapprochement de leurs activités de foie gras. Mais les gros mouvements sont moins probables. »
Dans ce contexte, des absorptions plus ciblées pourraient se développer. Notamment dans les céréales, « où les petites coopératives qui ne font pas de transformation devraient avoir rapidement besoin de s’adosser à des gros », ajoute Olivier Frey. À l’étranger cette course à la taille semble d’ailleurs être moins vive. Le mois dernier, les rumeurs récurrentes d’une fusion entre la laitière danoise Arla Foods et la néerlandaise FrieslandCampina – qui aurait créé un géant mondial des produits laitiers de plus de 22 milliards d’euros de chiffre d’affaires – ont été démenties assez fermement par les deux parties.