C’est bientôt Pâques donc cette semaine je vous propose un Agridata sur l’ingrédient à la base du chocolat et symbole du commerce mondialisé : le cacao. Nous allons analyser l’évolution de la production et de la commercialisation du cacao dans le monde. Vous découvrirez ainsi quels sont les principaux pays producteurs, quelle est l’évolution de leur production depuis les années 60 ou encore quels sont les principaux flux d’import/export.
Les principales variétés de cacao sont originaires d’Amérique centrale et du Brésil et les fèves étaient consommées comme boisson par les Mayas et les Aztèques. Elles ont d’abord fait l’objet d’une première période de culture coloniale en Amérique latine et caraïbes aux XVIIIe et XIXe siècles avant de se développer en Afrique sub-saharienne à partir du début du XXe siècle (à Sao Tomé-et-Principe d’abord, puis au Ghana). Le nom savant du cacaoyer est Theobroma cacao (du grec theos, « dieu » et broma, « aliment »). Il a été introduit en Espagne par Hernan Cortés en 1528. Après l’ajout de sucre, la boisson est devenue populaire et l’Espagne a créé des plantations de cacao dans ses colonies des Antilles pour répondre à la demande.
Pour produire du chocolat, les fèves de cacao sont broyées en pâte de cacao. Une fois cette pâte obtenue, on sépare le beurre de cacao (la fraction grasse) de la poudre de cacao (la fraction sèche). La fabrication du chocolat et des produits chocolatés implique de nombreuses étapes depuis la récolte des cabosses jusqu’à l’emballage des produits finis, impliquant des acteurs divers d’amont en aval de la filière.
Graphique 19.1 Evolution de la production de fèves de cacao par continent entre 1961 et 2022 (en tonnes)
La production mondiale de fèves de cacao a été multipliée par 4,95 entre 1961 et 2022, passant de 1 186 344 tonnes à 5 874 582 tonnes.
L’Afrique représente la grande majorité de la production mondiale de fèves de cacao, les autres continents sont de petits producteurs en comparaison. On ne trouve pas de fèves de cacao en Europe.
Comme le constate l’IDDRI, la production de cacao a connu un véritable boom à la fin des années 1970, conséquence de la conjonction entre la forte augmentation de la demande entre 1950 et 1970 et l’effondrement de la production ghanéenne, couplés à une politique volontariste du gouvernement ivoirien pour encourager l’établissement de nouvelles plantations, puis en Indonésie, particulièrement dans l’île de Célèbes, à partir des années 1980.
Graphique 19.2 Evolution des surfaces consacrées à la production de cacao par continent entre 1961 et 2022 (en ha)
En 60 ans les surfaces dédiées à la cacaoculture ont été multipliées par environ 2,7, passant de 4,4 millions d’hectares en 1961 à 11,9 millions d’hectares en 2022. La majeure partie de cette hausse est à mettre au crédit de l’Afrique dont les surfaces sont passées de 3,3 millions d’hectares à 8,5 millions d’hectares. Selon plusieurs études l’augmentation des surfaces plantées en cacao s’est faite en partie au détriment des forêts. Selon l’IDDRI, ce sont environ 50% de ces nouvelles plantations qui se sont faites au détriment de la forêt.
Graphique 19.3 Evolution de la production de cacao pour les 20 premiers producteurs mondiaux (en tonnes)
Du début des années 60 jusqu’au milieu des années 70 le Ghana a dominé la production de fèves de cacao.
Alors que les prix mondiaux ont chuté entre 1960 et 1965, les agriculteurs ghanéens ont réagi en réduisant à la fois l’étendue des nouvelles plantations et les investissements dans les parcelles existantes. Même pendant le boom de la fin des années 70, le prix réel reçu par les agriculteurs ghanéens est resté bas, en raison de la fixation des prix par le gouvernement et de la surévaluation de la monnaie . La faible productivité des vieux arbres, souvent négligés, a été exacerbée par la sécheresse et les feux de brousse. En 1983, la production du Ghana était tombée à moins de 170 000 tonnes. Un autre facteur qui explique la baisse de production au Ghana est que de nombreuses personnes ont profité des prix plus élevés en Côte d’Ivoire pour vendre du cacao de l’autre côté de la frontière. À la fin des années 1980, la communauté internationale a exercé des pressions sur le Ghana pour qu’il augmente les prix à la production. Depuis lors, la production a retrouvé des niveaux proches de ceux des années 1960, même si la part du marché mondial détenue par le Ghana s’est considérablement réduite en raison de l’augmentation de la production dans d’autres pays.
En 1977, la Côte d’Ivoire a dépassé le Ghana en tant que premier producteur mondial. La production a continué d’augmenter de façon spectaculaire grâce à l’extension des surfaces cultivées en cacao. Dans les années 1980, sous la pression internationale visant à protéger les vestiges des forêts ivoiriennes, le gouvernement a interdit la colonisation des réserves forestières restantes. La politique d’encouragement à l’expansion de la culture du cacao a été officiellement inversée en 1988. Cela semble avoir eu peu d’effet sur la production, mais l’expansion de la superficie semble aujourd’hui ralentir.
De son côté, si le Nigéria a longtemps été un grand pays producteur de cacao, la trajectoire de l’industrie cacaoyère nigériane a pris un tournant important dans les années 1970 avec la découverte de vastes réserves de pétrole brut. Cette découverte a entraîné une réorientation vers les exportations de pétrole, ce qui a eu pour effet de négliger et de dégrader le secteur agricole, y compris la production de cacao.
Les agriculteurs indonésiens ont bénéficié d’un programme national d’expansion, dans le cadre duquel des subventions gouvernementales ont été accordées pour l’achat de terres, de variétés à haut rendement et de technologies importées de Malaisie. Ces facteurs ont permis d’augmenter la production des petites exploitations et des plantations.
La production du Brésil a diminué depuis le milieu des années 1980, en raison de l’impact des maladies.
Graphique 19.4 Evolution des surfaces dédiées à la production de cacao pour les 20 premiers producteurs mondiaux (en hectares)
A l’instar du soja ou de l’huile de palme, le cacao fait partie des principales commodités agricoles importées sur le marché européen qui sont identifiées de manière prioritaire comme facteurs de déforestation dans les pays extra-communautaires (European Commission, 2013). D’ailleurs dans l’Hexagone le cacao fait partie des commodités sur lesquelles la Stratégie Nationale de lutte contre la Déforestation Importée prévoit des actions.
Graphique 19.5 Répartition de la production mondiale de fèves de cacao en 1961 (en %)
En 1961, l’Afrique représentait 69,5% de la production mondiale de fèves de cacao et le Ghana en produisait à lui seul 35%. A cette époque la Côte d’Ivoire ne représentait que 7,2% de la production mondiale. Le continent américain représentait un peu plus d’un quart de la production mondiale, en grande partie grâce au Brésil qui produisait alors 13% des fèves de cacao.
Graphique 19.6 Répartition de la production mondiale de cacao en 2022 (en %)
En 2022, la part de l’Afrique dans la production mondiale de fèves de cacao est demeurée quasiment stable par rapport à 1961 (69,2%). Mais la Côte d’Ivoire est désormais le premier producteur mondial et pèse à lui seul 38% de la production de fèves de cacao. Le Ghana est désormais second et pèse 18,9%. Le secteur du cacao est d’une importance cruciale pour ces deux économies, puisqu’il représente plus de 20 % de toutes les exportations en valeur et constitue un employeur majeur.
A noter la montée en puissance du continent asiatique et notamment de l’Indonésie, qui est devenue le troisième pays producteur. A l’inverse, le continent américain ne représente plus que 17,2% de la production mondiale et la part du Brésil est passée à moins de 5%.
Carte 19.7 Production de cacao par pays en 2022 (en tonnes)
Les cacaoyers ne prospèrent que dans des conditions spécifiques, notamment des températures relativement uniformes, une humidité élevée, des pluies abondantes, un sol riche en azote et une protection contre le vent. Ils sont donc généralement cultivés dans des zones situées à moins de 10° au nord et au sud de l’équateur.
Graphique 18.8 Répartition des exportations de cacao en 2021 (en tonnes)
Le marché ghanéen du cacao est partiellement libéralisé. Le COCOBOD, le Ghana Cocoa Board, supervise de nombreux maillons de la chaîne d’approvisionnement, contrôlant directement l’exportation de la quasi-totalité des fèves brutes par l’intermédiaire de la Cocoa Marketing Company. Les sociétés commerciales nationales et internationales achètent les fèves à la Cocoa Marketing Company et organisent leur importation sur les marchés internationaux, où les fèves sont transformées en beurre, pâte et poudre de cacao, et mélangées à d’autres ingrédients pour fabriquer du chocolat. En Côte d’Ivoire, les négociants achètent une licence auprès du Cocoa-Coffee Board pour exporter un volume spécifique de cacao à un prix de référence convenu à l’avance.
L’IDDRI note d’ailleurs qu’une partie de plus en plus importante du cacao fait désormais l’objet d’une première transformation dans le pays de production avant d’être exportée. C’est le cas par exemple en Côte d’Ivoire où 35 % de la production est transformé avant exportation (sous forme de poudre et de masse de cacao). A terme le pays s’est fixé pour objectif de transformer 50 % de sa récolte.
Graphique 18.9 Répartition des exportations de cacao en 2021 (en dollars)
L’entreprise publique ivoirienne Conseil du Café-Cacao (CCC) et le Ghana Cocoa Board (connu sous le nom de Cocobod) fixent les prix sur la base d’une moyenne de la saison précédente, ont formé en 2019 un cartel d’exportation sur le modèle de l’Opep pétrolière. Il a introduit un différentiel de revenu vital, une prime intégrée aux prix à la production de 400 dollars la tonne par rapport au prix à terme du cacao.
Graphique 18.10 Les flux d’échanges de cacao en 2021 (en milliers de tonnes)
La consommation du chocolat reste en grande partie cantonnée aux pays tempérés, principalement en Europe et en Amérique du Nord, en raison notamment de ses propriétés physiques qui font qu’il résiste mal aux fortes températures. Le commerce de cacao est donc principalement orienté des pays du Sud vers les pays du Nord. La Côte d’Ivoire et le Ghana sont les principaux exportateurs. Mais les Pays-Bas et la Belgique ont une place importante dans le commerce de fèves de cacao.
Graphique 18.11 Evolution des prix à terme du cacao à Londres et New York entre le 01/01/2010 et le 14/03/2024
Les prix des fèves de cacao ont connu une hausse sans précédent depuis quelques mois. Les prix à terme du cacao à New York ayant plus que doublé par rapport à la même période l’année dernière. Alors qu’ils étaient de 2707 $ la tonne au 10/03/2023, ils sont passés à 6490 $ la tonne au 13/03/2024 (multipliés par 2,4).
Les prix augmentent en partie parce que l’offre est limitée. Le mauvais temps en Côte d’Ivoire et au Ghana a affecté les rendements des cultures. Le phénomène climatique El Niño est revenu l’année dernière, apportant d’abord de fortes précipitations inhabituelles dans la région, puis une chaleur sèche.
Envie d’en savoir plus sur un autre produit ou une autre filière? Retrouvez les autres Agridata ici.